MISE EN LIGNE OFFICIELLE DU FILM MAUVAISES HERBES

mardi 21 mars 2023

Mauvaises Herbes, c’est un film réalisé en 2013, il y a dix ans déjà, par Catherine Wielant (Lezarts Urbains) et Caroline Vercruysse (Fais Le Trottoir*). « Mauvaises Herbes », c’est une décennie de succès d’estime, de transmission de main à main, de téléchargement pirate en streaming cracké... Sorti en 2014, il était resté un mois à l’affiche du Cinéma Aventure. D’autres l’ont découvert en festival ou lors d’événements divers, voire à la maison sur Arte Belgique ou sur La Deux à l’époque du fameux Quai Des Belges. « Mauvaises Herbes », c’est une immersion documentaire dans le monde du tag bruxellois : des rencontres, un partage, une traduction parmi d’autres d’un univers encore trop peu compris, même 10 ans après.

* ASBL rassemblant des connaisseurs et praticiens passionnés de graffiti qui œuvrent pour une meilleure (re)connaissance de ce mouvement.

Pour célébrer ce dixième anniversaire, le film sera disponible sur YouTube à dater du 21 mars 2023, journée officielle de la sortie de toutes les mauvaises herbes !

SYNOPSIS

Entre les dalles de béton des grandes villes surgissent les plantes sauvages : Arbre à papillons, Armoise, Sénéçon... Sur les murs fleurissent les tags : Escro, Odsu, Idiot, Ralers, Jerve... Traquées, éliminées, plantes et signatures rejaillissent pourtant sans cesse. Et si les tags se révélaient à qui tente de les déchiffrer ? Sont-ils vraiment si dénués de sens ? Qui sont ces tagueurs qui arpentent nos rues endormies ? Aux frontières du questionnement et de la fascination, « Mauvaises Herbes » porte un regard malicieux et lucide sur l’univers underground du tag à Bruxelles. Sur fond de poème urbain, les réalisatrices livrent enfin la vision des acteurs de ce mouvement, entre urgence et geste artistique.

Tristan Locus, Caroline Vercruysse, Catherine Wielant et Origan Cannella - équipe de tournage

PRÉSENTATION DU FILM

Les tags…Une réalité invasive, endémique, enracinée depuis tant d’années dans le paysage de nos grandes villes. Personne n’en veut semble-t-il, mais les vagues reviennent à chaque fois avec la même obstination débridée, relayée par de nouveaux instigateurs, posant la même lancinante question.

A partir de la comparaison symbolique avec ces herbes folles qui se frayent un chemin entre les dalles de béton de Bruxelles, Catherine Wielant et Caroline Vercruysse, réalisent sur fond de poème urbain, un film singulier, qui aborde une des questions embarrassantes et paradoxales de nos giga-cités.

Sont-elles vraiment si laides, si sauvages et si dénuées de sens ces inscriptions réprouvées par le consensuel ? Sont-elles si anonymes, si vides, si agressives qu’il y paraît ? Et qui sont ces tagueurs qui arpentent frénétiquement nos rues endormies ? Que disent-ils de leur pratique, comment procèdent-ils et pourquoi ?

Aux frontières inconfortables du questionnement et de la fascination, Cath’ et Caro’ portent un regard totalement inusité, malicieux et lucide. Levant le voile sur des facettes inattendues de ces graffitis qui dérangent : émotion, humour, humanité…

Et comme lorsqu’on se penche - si rarement - vers une de ces plantes jaillies d’entre les pavés, nous découvrons une force de vie, de celles qui, en toute insolence, ont toujours le dernier mot, malgré les codes, la répression et les herbicides.
 
- Alain Lapiower, fondateur de Lezarts Urbains

Arts-Lois

FICHE TECHNIQUE

50' | 16/9 | COUL. | 2013 | VO FR / ST EN
 
Scénario et réalisation : Catherine Wielant
Coréalisation : Caroline Vercruysse
Image : Tristan Locus
Son : Origan Cannella
Montage image : Tristan Locus
Regard extérieur : Hervé Brindel
Montage son : Origan Cannella
Conseiller artistique : Parole
Mixage : Origan Cannella
Etalonnage : Milena Triver
Musique : Marc De Koker
Techniciens post-production : Frédéric Leroy
Producteur délégué : Marianne Osteaux -  CVB
Production : Centre Vidéo de Bruxelles - CVB - Michel Steyaert
Coproduction: Lezarts Urbains – Alain Lapiower

Le Centre Vidéo de Bruxelles asbl est subventionné par la Commission Communautaire française (COCOF) et la Fédération Wallonie-Bruxelles

Martha Cooper, photographe reconnue pour son travail autour du graffiti à New York et auteur du célèbre livre Hip Hop Files 1979-1984

REVUE DE PRESSE

Les tagueurs, ces « Mauvaises herbes » qui recouvrent Bruxelles

Mauvaises herbes, le brillant documentaire de Catherine Wielant et Caroline Vercruysse sur le tag sera projeté au cinéma Aventure jusqu’au 23 avril. À voir.

(…) Car c’est bien le tag, cet art souvent incompris voire méprisé, qui est au centre de ce documentaire réalisé avec passion et poésie par deux passionnées de la bombe. Qui s’attardent sur les signatures des Escro, Odsu, Idiot, Ralers, Jerve et autres, et en profitent pour suivre une poignée de tagueurs dans leurs pérégrinations nocturnes. Un film singulier et lucide qui donne une belle place à l’humain.

Focus Vif – Kevin Dochain – 09/04/2014
 
Mauvaises Herbes: une immersion dans l'univers du tag à Bruxelles


En s’attaquant au tag et non au graffiti, Catherine Wielant et Caroline Vercruysse n’ont pas choisi la facilité.

(…) Pour le film, les deux réalisatrices se sont véritablement plongées dans le petit monde fermé des taggeurs bruxellois. Elles en ont rencontré beaucoup et ont longuement discuté avec eux. Elles les ont même suivis lors de leur virées nocturnes, ce qui donnent des images assez impressionnantes de Bruxelles la nuit. Les actes perpétrés par les taggeurs dans ces scènes sont évidemment illégaux, mais les réalisatrices n’ont pas voulu se focaliser sur cet aspect des choses. "Ce qui nous intéressait était de montrer ce côté artistique, explique Caroline Vercruysse, et les motivations des taggeurs. On se doute que ça peut faire sourire certaines personnes quand on parle d’art pour des tags, mais nous sommes convaincues qu’il y a une recherche artistique chez les taggeurs." "Et puis moi je trouve ça intéressant de se demander quelles sont les frontières de l’art, poursuit Catherine Wielant, qu’est-ce qu’on considère comme artistique et qu’est-ce qu’on considère comme une salissure ? Il y a une frontière très intéressante à explorer."

Esthétiquement, le film est très bien réalisé, l’atmosphère qui entoure les virées des taggeurs est très bien rendue par la caméra. Quant au fond, le film atteint ses objectifs. Les réalisatrices n’ont pas l’intention de convaincre les spectateurs des bienfaits du tag. Elles veulent juste les pousser à se poser des questions sur cette réalité urbaine. Et à coup sûr, après avoir vu ce film, plus personne ne regardera les tags en rue de la même manière...

RTBF.be – Geoffroy Fabre – 04/04/2014
 
Mauvaises herbes: aux racines du graffiti

Ce documentaire contemplatif sur le tag nous donne le temps d’appréhender un monde caché plein de complexité.

(…) Les deux réalisatrices nous épargnent un discours sociologique réducteur, ou du moins généralisateur et laissent les tagueurs s’exprimer. On découvre ainsi que la richesse de cette pratique clandestine est nourrie de nombreux paradoxes et de nombreuses approches.

(…) Enfin, ce documentaire donne à voir des images de Bruxelles sous une lumière jaune qui lui est si particulière la nuit. Une chose est sûre, ceux qui iront voir Mauvaises herbes ne se promèneront plus de la même manière dans la ville.

Bruzz - Maureen Vanden Berghe - 02/4/2014
 
Mauvaises herbes : les murs nous parlent

Art ou vandalisme ? « L’homme civilisé veut voir des surfaces propres », rappelle la botaniste. Et si les tags se révélaient à qui tente de les déchiffrer ?, suggère Mauvaises herbes. «Ils traduisent une autre manière de vivre dans ces villes qui ont tendance à écraser leurs habitants », avance le décrypteur. Les deux points de vue se confrontent dans ce film qui ne manque pas d’une certaine poésie. Urbaine…

Le Mad (Le Soir) – Didier Stiers – 02/04/2014
 
Ailleurs, le Graf est plus vert

Ce qui est souvent considéré comme une dégradation du bien public, devient pur geste artistique. De même, ce plan d’un distributeur d’argent entouré de grafs, ne dépareillerait pas dans un musée d’art contemporain. Le documentaire ne fait d’ailleurs pas l’impasse sur les aspects délinquants. Certains graffeurs interrogés posent les limites légales d’une pratique qu’ils envisagent eux-mêmes comme agressive. Mais cet aspect « criminel » est contrebalancé par un sens politique de l’acte, « la salissure comme état de révolte, état de changement » (dixit Osmose) dans une société de consommation qui rêve de net, de « surfaces propres, pour que chacun puisse rouler tranquillement dans sa voiture ». C’est enfin un acte de résistance à un univers urbain défiguré par des publicités implantées légalement et bien plus violentes dans leurs représentations (sexisme, argent). (…) Au-delà des rencontres qui éclairent brillamment le sujet, la réalisation trouve un accomplissement dans les scènes d’écriture « live » où les signatures, décortiquées, naissent devant nous et révèlent des significations émouvantes, intimes et rageuses. Une balade à oser, impérativement.

La Libre – Fred Arend – avril 2014
 
Mauvaises herbes, une vision poétique du tag à Bruxelles…

Mauvaises herbes propose une approche sous forme de rencontre avec différents acteurs du mouvement. Ces derniers parlent, se confient… les langues se délient autour du genre. Un point de vue posé par la réalisatrice Catherine Wielant et Caroline Vercruysse co-réalisatrice offrant des pistes de lecture et de compréhension.

L’Eventail – Sybille Wallemacq – 27/03/14
 
Fenêtre sur Doc

Nous débutons le cycle avec Mauvaises herbes, le portrait des expressions écrites qui parsèment les surfaces et les recoins de Bruxelles. A l’instar des mauvaises herbes qui s’immiscent entre deux briques ou deux pavés, la nature reprenant ses droits, les graffiti résistent à la netteté et l’uniformisation des façades urbaines. Les réalisatrices nous invitent à décoder ces écritures parfois étranges, entre vandalisme et art, qui habitent notre espace quotidien.

Cinergie.be
 
Diffusé dans Quai des Belges le 15/10/2014 sur ARTE Belgique et le 24/10/2014 sur La Deux

DVD coup de cœur de Graffiti Art Magazine : avril-mai-juin 2014

PROJECTIONS ET FESTIVALS

Première

23/10/13 - Centre culturel Jacques Franck – Bruxelles

Sorties en salles

26/03/14 - Cinéma Aventure – Bruxelles – 20 séances

Diffusions antennes

15/10/14 - ARTE BelgiqueQuai des Belges, spécial « Tags, Grafs, Bombes, etc... »
24/10/14 - RTBF (télévision belge) La Deux – Rediffusion

Festivals

10/05/14 - Urban Film Festival – Paris 
06/06/14 - Festa2H – Festival International Hip-Hop & Cultures Urbaines - Goethe-Institut - Dakar
05/07/14 - Paris Hip-Hop Festival 2014 - Maison des métallos – Paris (FR)
03/08/14 - Festival Esperanzah – Floreffe (BE)
Septembre 2014 - FIFI – Festival rue râle de films de terres minées – Saint Germain de Salles
10/09/14 - Vecteur - Charleroi (BE) – dans le cadre du Festival Asphalte
06/03/15 - 14è Rencontres du Cinéma Européen, Compétition "Premiers documentaires" – Vannes
16/03/15 ; 17/03/15 ; 20/03/15 - Festival International de Films de Femmes – Dans 2 sections compétitives : Graine de cinéphage et Turbulences - Créteil - Paris (FR)
Table ronde : Nos espaces de vie. Quelles alternatives solidaires et locales aux normes urbaines et architecturales -
ETNOFilm – Compétition Internationale - Rovinj (Croatie) PRIX DU MEILLEUR FILM ANTHROPOLOGIQUE & ETHNOGRAPHIQUE
15/02/16 - Cinématographe à Nantes, dans le cadre du Festival Hip Opsession
Octobre 2016 - Festival Stritarty à Madagascar

Projections

02/02/14 - Centre Culturel de Tubize (BE)
22/05/14 - Centre culturel de Berchem-Ste-Agathe (BE)
14/11/14 - Maison des jeunes Port'ouvertes – Tournai (BE) – Week-end du Doc
18/12/14 - Bip Brussels - Nocturnes Experience Brussels
Mars 2015 - Café Philo, Louvain-La-Neuve - Belgique
13/02/15 - Ciné Philo d’Ottignies
27/02/15 - Midis de l’Art au Plaza à Mons
05/08/15 - Kosmopolite Art Tour Belgium 2015 - Bruxelles
04/07/15 - Kosmopolite Art Tour Belgium 2015 - Louvain-La-Neuve
28/08/15 - Starkart Exhibition à Zurich
16/09/15 - Ciné-Club d'ARC asbl – Programmation Regards sur... - Bruxelles
05/10/15 - Ciné-Club philosophique de Laïcité Brabant-Wallon – Braine-l'Alleud
16/10/15 - Programmation « Fenêtre sur Doc », Maison de la Francité, Bruxelles
13/11/15 - Maison des Jeunes Vitamine Z à Wavre
07/05/16 - La Zone (Liège) dans le cadre des « Jours vandales ».
25/04/16 - Midis-documentaires du Ciné Marche, à Marche en Famenne
04/03/16 - Docs sur le pouce au Point Culture
10/02/16 - Cafebabel Brussels au café le Bravo
15/11/17 - Faites le mur à Schaerbeek
15/06/17 - P'tit Ciné de Waterloo
04/03/17 - Allée du Kaai
03:03/17 - 364 ELLES/ZONE INSOUMISE au Centre Culturel de Schaerbeek
08/02/17 - Point Culture de l'Ulb dans Docs à Goûter (Cinergie.be)
07/02/18 - Partager la ville à la Maison de l’Image à Strasbourg
22/9/19 - Street art U See au Kinograph
21/04/22 - Centre Culturel d'Evere

INTERVIEW

Interview de Catherine Wielant et Caroline Vercruysse par Adrien Grimmeau, historien de l'art à l'ISELP et auteur du livre « Dehors, le graffiti à Bruxelles ».

« Mauvaises herbes » nous apprend que les plantes sauvages en ville prennent vie dans les interstices. Les quelques brins qui ouvrent le documentaire nous montrent finalement par la négative comment la nature, la vie, est absente hors de ces interstices. Le tag ne fait pas autre chose. En immisçant l’incontrôlable au cœur de l’espace organisé, il nous confronte à la place que notre société réserve à la liberté. « Mauvaises herbes » ne discourt pas sur le tag. Le film nous donne le temps de regarder, d’appréhender, de recevoir un monde caché. Ce temps nous ouvre à la complexité et la richesse de cette pratique clandestine. Nourrie de nombreux paradoxes, elle ne se réduit pas à une approche unique. On ne peut probablement pas l’accepter entièrement, mais après avoir vu ce film on ne pourra plus la rejeter d’un bloc. Cette simple affirmation d’une présence a tant à nous dire sur la nôtre. À commencer par nous interroger sur la manière dont nous habitons notre ville, aujourd’hui. - Adrien Grimmeau

Adrien Grimmeau : Vous vous attaquez au dernier bastion de non reconnaissance publique dans le phénomène graffiti, au plus difficile : le tag. Pourquoi ?

Catherine Wielant : Alors que le street art est aujourd’hui en pleine vogue médiatique, nous avions envie de revenir aux racines du graffiti, à cette signature qui est le geste de base, le geste finalement le moins défendable…

A.G. : Ce que je trouve très riche dans votre film, c’est que vous ne nous donnez pas tant des explications, vous obligez les spectateurs à prendre le temps de regarder les tags et d’écouter les tagueurs. Ce que jamais personne n’a la possibilité ni même l’envie de faire.

C.W. : Nous voulions un film assez contemplatif. Dans tout le travail de repérage et de tournage que l’on a fait, on s’est très souvent retrouvées dans des moments un peu méditatifs. On avait vraiment envie d’une caméra fixe : le tag dans son espace dans la ville et les scènes de vie qui se passent autour. On faisait le pari d’un cinéma plus lent. On s’est souvent demandées si cela allait fonctionner... Je pense que dans la frénésie de la ville actuelle, le simple fait d’accorder de l’importance à une certaine lenteur, d’être dans un autre rythme, vous fait aller à contre-courant…

A.G. : La seule personne extérieure au milieu est cette botaniste qui nous fait une visite guidée des plantes sauvages. Était-elle consciente que c'était un film sur le tag ? Et comment réagissait-elle par rapport à ça ?

Caroline Vercruysse : On lui avait parlé du sujet, mais elle ne s'attendait pas à entendre un tel discours de la part des tagueurs. Elle disait : « Je ne me rendais pas compte de la situation de ces jeunes. De ce qu'ils ressentaient par rapport à la société. Leurs motivations ». Cela l'a un peu perturbée après avoir vu le film.
 
C.W. : Huguette, cette guide-nature, est un personnage que nous avons mis longtemps à dénicher. Nous en avons rencontré plusieurs qui pour différentes raisons ne convenaient pas tout à fait ou refusaient carrément le sujet. Et puis nous sommes tombées sous le charme d’Huguette, de son chignon roux, de son énergie, de sa passion pour les plantes. Dès ce moment, c’était elle, c’était une évidence.

A.G. : Comment avez-vous abordé le parallèle entre les plantes sauvages et les tags ?

C.W. : Ce qui m'a beaucoup travaillé pendant ce film, c'est la question des interstices, des fissures… La question d'être dans une ville triste, grise - pour caricaturer, mais c'est comme ça que je la ressens - et que la vie sauvage va se réfugier là, dans ces failles. J'aimais bien ce parallèle avec les plantes pour cela. J'ai l'impression que ces failles de la société peuvent devenir des petites poches de résistance. Je suis ensuite tombée sur des livres de Gilles Clément, ce paysagiste. Il a théorisé cela sous le nom de Tiers paysage, en disant que la diversité va se réfugier dans ces failles. Il parle aussi beaucoup des « plantes vagabondes ». Contrairement à la gestion habituelle d’un jardin, plutôt dirigiste, lui laisse venir les plantes, qui vagabondent, qui peuvent apparaître ou disparaître dans le jardin. Je trouvais que le parallèle avec les tags était très fort. Je me souviens d'une phrase où il disait que les plantes vagabondes, on ne les regarde pas, on a l'impression qu'elles n'ont pas de sens mais que peut-être leur simple existence est en elle-même un sens. J'espère qu’en filigranes, on sent dans ce film un regard sur la ville, une ville dure et agressive, sur des gens et des pratiques qui à l'intérieur de cette ville font une sorte de résistance, même sans en avoir conscience…

A.G. : Oui, mais il y a deux villes car il y a ce moment où le tagueur explique que la sienne est celle de la nuit, occupée seulement par la police et les vandales. Et cette ville-là n’est plus la nôtre. Finalement, on la lui jalouse. On a l'air d'être bien dans cette obscurité et dans ce calme…

C.W. : Je voulais qu’on rentre avec eux dans le ventre chaud de la nuit, dans cette lumière jaune si particulière des rues de Bruxelles. Qu’on y ressente de l’apaisement, car c’est ainsi qu’eux nous ont décrit leurs sensations.

A.G. : Pour en revenir aux mauvaises herbes, ce qui est très intéressant, c’est qu’elles sont le point d’entrée dans le film qui permet de faire adhérer le spectateur au propos, mais que vous quittez ensuite cette métaphore pour nous laisser avec les tagueurs.

C.V. : On a choisi de ne pas garder la métaphore avec les plantes durant tout le film car notre but premier était de faire un film sur le tag : on voulait que cela reste l’objet principal du propos. Laisser trop de place aux plantes aurait écrasé ce sujet. C’est pour cela que l’on a décidé d’en faire juste une entrée en matière. Une autre décision a été de n’interviewer que des tagueurs et non des juristes, des sociologues ou autres spécialistes…

A.G. : On se rend compte que les tagueurs sont pas mal spécialistes eux-mêmes et une grande découverte, probablement, pour les spectateurs, est de se rendre compte que les tagueurs peuvent émettre un discours qui a pas mal de solidité derrière, que ce n’est pas le geste idiot auquel on l’associe souvent...

C.W. : Plusieurs personnes qui ne sont à priori pas très positives par rapport au tag nous ont parlé de la « beauté du geste » après avoir vu le film. Elles ont parlé de la beauté d’un geste que normalement, on considère seulement comme vandale. Nous nous étions rendues compte que le tagueur exécute une sorte de danse lorsqu’il tague, très belle à observer. Il est comme un calligraphe qui exécute ses traits dans une grande concentration et avec des mouvements proches d’une danse.

A.G. : Dans ce film, vous ne rentrez pas dans de grand discours sociologiques. Vous réalisez un documentaire qui trouve l’équilibre juste, sans analyse sociologique, vous mettez en avant le discours des tagueurs. Vous les confrontez à eux-mêmes et montrez qu’il n’y a pas un seul profil de tagueur. Quand avez-vous décidé de filmer des tagueurs au « travail » ?

C.V. : Dès le début. On s’est dit que l’on devait montrer l’envers du décor, le sérieux avec lequel certains le font. Il n’y a que deux scènes qui ont été travaillées et mises en scène. Les autres sont des actions vandales, on tenait à ce que cela reste authentique et qu'il y ait des actions dans la ville.

A.G. : Quel type de spectateurs visiez-vous ?

C.V. : Le grand public. On ne voulait pas s'adresser seulement à un public d'initiés, de spécialistes, ni à un public spécifiquement hip hop.
C.W. : Entre autres, nous n’avons pas utilisé de musique hip hop, mais fait appel à un musicien, Marc Dekoker, qui vient du blues et du rock. Un grand travail a été fait sur la musique, une longue recherche, beaucoup d’allers – retours entre les propositions du musicien et nos envies, les besoins du montage, le rythme d’une scène, les ambiances à suggérer…

A.G. : Il y a ce personnage, Parole, qui analyse les tags comme un guide de musée, pointe ceux qu’on regarderait le moins facilement et explique pourquoi lui les trouve beaux justement. Cela, et le fait que vous montriez ce geste du tagueur, quelque chose qui n’est pas vu d’habitude, justifie tout un film. Forcément ceux qui vont le voir ne vont plus se promener de la même manière dans la ville.

C.W. : J'espère qu’un des effets du film sera de permettre aux gens d’avoir un regard plus bienveillant sur le sujet. Chacun des tagueurs que nous avons rencontrés avait quelque chose qui nous a émues.

C.V. : Et on a trouvé qu'ils se livraient très facilement. Cette confiance nous a beaucoup touchées. On était toujours flashées d'être si bien reçues.

A.G. : Ce qui les a peut-être touchés c'est que ce soit un documentaire spécifiquement lié au tag, sujet que l'on rejette d'habitude. De façon générale, les tagueurs sont des gens passionnés. Ils ont développé un point de vue, ils se sont construits un regard. Ce n'est pas si fréquent des gens qui peuvent parler longuement d'une pratique.

C.W. : Pour eux, cela devait être étrange toutes nos questions et notre intérêt alors que c'est quelque chose dont ils ont pris l'habitude de ne pas parler du tout. C'est un peu schizo. Ils font quelque chose dont ils ne peuvent jamais parler. Et puis c'est un milieu très masculin. Tout à coup avoir deux femmes de deux générations différentes qui s'intéressent à eux, je pense que cela devait être interpellant. La confiance a probablement été favorisée par la grande complicité au cœur de notre équipe. Tristan Locus, qui cadrait, et Origan Cannella, qui prenait le son, étaient tout autant passionnés par le sujet, très à l’écoute, et nous ont aussi aidées à « apprivoiser » les personnes que nous avons interviewées… Et nous avons également très longuement travaillé notre sujet, en nous documentant beaucoup, en rencontrant beaucoup de personnes du milieu du tag. Nous avons fait un énorme travail de repérage, pendant des mois, à travers tout Bruxelles.

C.V. : Nous avions parfois l’impression d’être deux archéologues. Découvrant des vieux tags d’une autre époque, presque effacés, comme s’il s’agissait de trésors ! « Ca y est, je viens de trouver un vieux Roel ! Ou un vieux RAB »… 

A.G. : Pensez-vous que le film aurait été le même il y a 10 ans ou 20 ans ?

C.V. : Non, parce que comme le dit Byz dans le film, cela a beaucoup changé. Les acteurs du mouvement étaient très différents, ils ne venaient pas d'écoles d'art. Ce n'est plus la même classe sociale. Il y a eu un basculement d'une classe sociale plus populaire à une classe sociale plus aisée.

A.G. : Ce qui nous fait peut-être le plus mal dans notre rejet du tag, c'est que les tagueurs, eux, ont trouvé leur moyen de survivre dans cette ville, de la réchauffer à leur façon, de se l'approprier. Chaque personne qui y vit par le biais du graffiti la connaît comme personne. Alors que nous, on ne la vit pas, on la traverse et encore, on est avec nos écouteurs, nos bouquins, notre i-pad... Cela nous confronte à l'échec d'une urbanisation exponentielle. Le tag n’est ni une solution ni un constat d’échec. Il est comme l'herbe folle qui s'en tape complètement, qui survit là où elle peut. Finalement peut-être que c'est nous qui sommes le plus en tort dans cette histoire, nous qui avons réussi à nous intégrer, à nous adapter.

C.W. : Ce qui a été une belle aventure pour nous, c'est de pouvoir vivre cette ville là pendant les repérages et les tournages. On vivait Bruxelles d'une façon totalement décalée. Moi qui en suis souvent critique, je me suis re-passionnée pour certains de ses aspects. J'ai découvert des coulisses. On était souvent à quatre pattes pour regarder les mauvaises herbes, pour observer des choses improbables ! En observant les murs, on découvrait des histoires que les autres personnes ne connaissent pas.

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