ARTISTES LEVEL UP | NARKO T

INTERVIEW

mecredi 12 juillet 2023

NARKO T à la conquête du rap francophone!

Depuis 2017, NARKO T ne cesse de bousculer le rap belge avec des morceaux bien produits et toujours plus ambitieux. Le temps de parler de la vie du quartier, de leur détermination, de leurs rêves et de leur vision du rap game, le groupe namurois au talent indéniable nous accorde une entrevue chill et sincère. De Namur à Bruxelles, leur détermination n’a pas fini de nous surprendre. 

Interview - Concert Level Up au Botanique © Willyvlb

INTERVIEW

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

LeG-Ni : « On s’est toujours connu en vrai, je ne pourrais même pas te dire comment on s’est connu.

Many :  « Ça fait tellement longtemps… » (Rires, ndlr)

Vous avez grandi ensemble ?

LeG-Ni : « On s’est rencontrés à l’école, ça part de là. Mais c’est plus que de l’amitié, c’est un peu comme la famille. »

Et NARKO T ça débute quand exactement ?

Many : « Vers 2016-2017. »

Est-ce que vous vous souvenez de votre premier rapport au rap ? Votre première gifle musicale ?

Dadi : « Bah un peu comme tout le monde. Si t’as des grands frères, t’écoutes ce qu’ils écoutent… Moi, j’ai été giflé par plusieurs artistes. Il y avait Booba, Youssoupha surtout que j’ai beaucoup écouté, franchement y en a tellement. »

Many : « Boss de Paname d’Alpha 5.20  »

Ah ouais précis ! (Rires, ndlr)

LeG-Ni : « Alors moi, je dirais la Sexion d’Assaut. Un peu tard parce que je n'ai pas de grand frère, tu vois ? »

Quelles sont vos inspirations aujourd’hui ?

LeG-Ni : « C’est varié de ouf, moi j’écoute de tout en vrai, français et US. Y en a beaucoup, j’saurais pas te dire un artiste en particulier. »

Dadi : « Moi, je trouve que c’est beaucoup plus au début quand tu commences, tu t’inspires beaucoup des autres et on t’identifie à quelqu’un. Au fur et mesure tu trouves ton truc, mais c’est plus au début, tu t’inspires de tel artiste parce que t’aimes bien. »

Avez-vous des noms en tête ?

Dadi : « Moi au début, y avait Siboy, Timal et Youssoupha. »

Vous partagez son avis ?

Many : « Ouais, je partage son avis de ouf, j’comprends pourquoi maintenant il dit Siboy, quand je l’imagine maintenant… »

Pour que nos lecteurs comprennent bien, c’est donc toi Dadi qui a cette voix un peu atypique. (Rires, ndlr)

Dadi : « Ouais c’est moi ! »

LeG-Ni : « Ouais c’est réel ! » (Rires, ndlr)

Est-ce que vous avez toujours voulu faire du rap ou est-ce que certains membres du groupe avaient d’autres plans ?

LeG-Ni : « Moi, j’étais un footeux à la base, j’allais presque devenir pro et après, tu sais bien des petites blessures… » (Rires ndlr)

Dadi : « Après, on ne s'est pas dit qu'on allait devenir rappeurs, on avait tous d’autres plans. »

LeG-Ni : « Ouais de ouf, surtout vu d’où on vient, on n'a pas ça sous les yeux. On n’peut même pas l’imaginer surtout quand t’es petit, tu vois ? Mais c’est ce qui se rapprochait le plus de notre réalité. »

Comment se passe la construction d’un track, sachant que vous êtes trois ? Est-ce que vous écrivez ensemble ou séparément ?

Many : « Au départ, on écrivait séparément, c'était plus facile pour nous, après on se rejoignait sur le son. Puis on a décidé de créer un nouveau truc et donc d'écrire ensemble parce qu'on nous a déjà dit qu'on se complétait beaucoup. »

Dadi : « Même sans l’écriture, on nous dit souvent qu’on se complète. »

Many : « Ouais, déjà à distance, on arrivait à être connecté. Puis on a essayé de bosser ensemble pour pouvoir approfondir cette chance qu’on a. »

LeG-Ni : « Devenir une personne en trois. »  

Dadi : « J’arrive même plus à écrire tout seul maintenant. Quand j’écris tout seul, il manque les frangins. Carrément ! (Rires, ndlr) C’est devenu bizarre, c’est pour te dire que c’est à ce point-là. »

©Willyvlb

Préférez-vous la scène ou le studio ?

LeG-Ni : « Moi c'est grave la scène, parce qu'au studio, les longues heures et tout, ça me fait mal à la tête. Alors que les scènes, c’est court et intense. »

Many : « Pour moi les deux se valent. Mais je dirais que je préfère encore la scène parce que j’suis avec mes gars. On profite et on passe un bon moment, ça prend quand même le dessus. »

Dadi : « Moi j’préfère quand même le studio. J’aime bien la scène, mais au studio tu fais ton loisir. C’est un taff mais j’le prends comme un loisir en tout cas. Au studio, tu fais réellement c’que t’aimes. »

Quel est votre rapport au public ?

LeG-Ni : « C’est encore un peu timide, ils sont en train de nous découvrir. À Namur, comme j’te l’ai dit, on est éloigné de la réalité. On parle à tout le monde, on a une approche facile avec notre public. »

Many : « Ouais, on est très proche d’eux ! »

Il n’y a pas beaucoup de rappeurs là-bas ?

Dadi : « Non y en pas énormément comparé à BX, ‘fin, il doit y en avoir, mais y en a beaucoup qui se cachent. » (Rires, ndlr)

Lorsque vous travaillez sur un projet, vous arrive-t-il de faire une étude de marché, de chercher à voir ce qui fonctionne actuellement ? Ou vous avancez plus au kiff et à l’instinct ?

Dadi : « On ne fait pas une étude non plus, mais on reste branché c’qui est logique. »

LeG-Ni : « On fait attention à ce qui sort. C’est comme la Drill quand c’est arrivé, on a essayé direct ! Mais quand ça nous parle moins on n’se force pas, on marche plus au feeling. La Jersey ça n’nous parle pas, du coup on l’a pas fait. »

Vous avez récemment participé à la mixtape « Demain c’est nous » de Culture Urbaine. Comment est né le projet ?

LeG-Ni : « Tout part de Couleur Café, je crois que ça démarre de là. »

Many : « Ouais ils ont assisté au show qu’on avait fait et de là ils se sont mangés une gifle ! (Rires, ndlr) »

LeG-Ni : « Ils se sont dit demain c’est eux ! (Rires, ndlr) »

Dadi : « L'idée du projet nous intéressait, vu comment on fonctionne et comment on développe les choses. »  

Comment ça se passe niveau promo pour la mixtape ?

LeG-Ni : « Ils ont déjà commencé la promo. On devait y participer, mais on a eu deux trois galères de notre côté et donc on n'a pas pu être là. »

Many : « Il y a eu une release party qui s’est passé au Sneakers y a un mois, ça s’est super bien passé. Il y avait pas mal d’artistes, on a pu échanger avec eux… »

Votre retour par rapport à Level Up ?

LeG-Ni : « Bah franchement, ils nous ont beaucoup apporté niveau scène, dans la performance scénique, etcetera. Ils nous ont fait évoluer et nous ont fait passer un cap de ouf ! »

Many : « Perso ça été un déclic aussi pour moi. C’est bien qu’il y ait des gens qui soient là pour les artistes, qui les aident à se développer, tu vois ? C’est important de savoir qu’il y a des gens comme ça qui sont là pour nous encore aujourd’hui parce que ce n'est pas facile. »

Dadi : « Ouais, et même dans nos démarches, ça nous a permis de nous ouvrir un peu, de voir d’autres personnes, d’autres publics, et même de créer de nouveaux contacts. »

Des points négatifs ?

Dadi et Many : « Il n'y en a pas vraiment eu… »

LeG-Ni : « Des fois des attentes ou des incompréhensions, mais ça comme partout, tu vois ? Mais sinon rien de spécial. »

On sent énormément de détermination dans votre mixtape « Bête de lourd », qu’est-ce qui nourrit votre motivation ? D’où est-ce qu’elle vient ?

LeG-Ni : « De là où on vient en vrai. Et en ne s’arrêtant jamais on y croit trop, tu vois ? T’as vu à force d’avancer les gens nous regardent, on ne peut pas lâcher. »

Et ça vous arrive de douter ?

Tout le monde : « Ouais bien sûr, ça arrive ! »

Many : « Mais on y croit trop ! »

LeG-Ni : « En plus, on se connaît bien, donc quand un (de nous, ndlr) va mal, les autres sont là. »

Pendant longtemps, le rap était la voix des sans voix et permettait de dénoncer les fléaux de la société. Depuis, on a basculé vers un rap moins engagé. Lorsqu’on analyse la couleur de votre mixtape, il y a toujours une référence aux tensions des jeunes vis-à-vis de la police, vous le dénoncez à votre manière.

Est-ce que selon vous, dans votre rap, c’est important de dénoncer certaines injustices ? Comme le disait si bien Ärsenik : « Qui prétend faire du rap sans prendre position ? »

Dadi : « Ouais, c’est important parce que le rap, c’est une musique où tu dénonces de base. On a des choses à dire quand même, on est des porte-paroles pour notre ville, pour notre quartier. Il faut toujours cette petite touche, tu vois ? »

NARKO T ce n’est pas que de l’enjaillement !

Many : « Ouais voilà ! Le rap, c’est un peu ça à la base, déjà quand tu remontes à l’époque, c’était ça le message qu’ils voulaient faire passer. Normalement, c’est un truc qui doit se transmettre et il ne faut pas que ça s’égare. »

D’où vous est venu l’idée de faire une trilogie et de raconter une histoire ? (Cœur sombre, ndlr)

LeG-Ni : « D’où on vient, on n'a pas cette capacité à réaliser des bons clips. Les gens, ils sont toujours là à dire : Ouais non… Ce que vous demandez c’est impossible à réaliser, tu vois ? »

Dadi : « On a souvent des idées, on voit loin avec les gens avec qui on bosse. »

Du coup, fiction ou une réalité ?

Tout le monde : « C’est de la fiction ! »

De bout en bout ?

Dadi : « Il y a un petit bout de réel on va dire, mais c’est plus le message transmis à travers le clip. »

Ça me rappelle un peu le storytelling de la Fouine dans « Du ferme »

Dadi : « Ouais de fou ! (Rires, ndlr) »

LeG-Ni : « Mais il n'y en a pas beaucoup qui font ça ! »

La qualité du visuel est incroyable ! Qui est-ce qui réalise vos clips ?

Many : « À ce moment-là, c’était DiverCityRecord. »

Dans le rap, on retrouve un fantasme qui est de faire l’apologie du gangstérisme, de parler de choses qu’on ne vit pas forcément, mais certains rappeurs assument le fait qu’ils ne vivent pas ce qu’ils racontent. On remarque que la street crédibilité n’est plus vraiment un frein dans le rap.

Vous en parlez dans l’un de vos morceaux : sur la première partie de « Cœur sombre », vous dites « ils parlent de rue, ils parlent de rue, mais n’ont jamais rien vu de leur vie ». Quelle est votre position par rapport à cela ? Est-ce que vous vivez ce que vous rappez ?

LeG-Ni : « Ouais, on raconte ce qui se passe autour de nous. »

Dadi : « On le voit, on le vit. Après ça reste de la musique, des clips, c’est de la fiction, c’est un peu aggravé, tu vois, mais on le voit, on le vit. »

Préférez-vous écrire des sons mélodieux ou des sons rap ou ça kick ?

Many : « On préfère chanter en rappant (Rires, ndlr). »

LeG-Ni : « J’aurais pas dit mieux c’est bien, trop fort dans les deux, c’est ça le problème ! »

D’après vous, d’où provient le fait que le rap mélodieux marche plus et ait autant de succès aujourd’hui ?

Dadi : « Parce que ça touche plus du monde, c’est moins prise de tête et beaucoup plus cool. Par exemple dans le titre « Señorita » tu vois, ce n'est pas un son que tu vas entendre partout à la manière dont ça sonne, tu vois, c’est mélodieux, mais y a toujours notre touche de rap. »

Beaucoup de groupes dans le milieu du rap commencent ensemble et ensuite évoluent en solo, est-ce que c’est quelque chose que vous envisagez dans le futur ?

Dadi : « Pour l’instant, on prévoit déjà de faire une personne, tu vois ? »

LeG-Ni : « Impossible de séparer une personne en divisant. Après, c’est possible, tu vois, mais il y a des artistes, tu les verras jamais en solo. Pour moi, PNL, tu ne peux pas les voir séparés par exemple. Après, nous on n’est pas des frères de sang, mais c’est la famille quand même, t’as capté ? »

Il est souvent difficile pour les groupes et collectifs de rap de s’imposer dans le temps. Avez-vous déjà réfléchi à une stratégie pour inscrire votre renommée sur la durée ?

LeG-Ni : « Déjà faut trouver son identité, trouver un truc que tu ne peux pas voir chez d’autres. C’est pour ça qu’en ce moment, on prend du recul, on bosse là-dessus. L’objectif c’est que déjà dans l’intro, on nous reconnaisse direct. »

Y a-t-il un album de prévu bientôt ?

Many : « Un album non, c’est trop tôt, on s’amuse encore un peu pour l’instant. »

LeG-Ni : « Ouais, je pense qu’il faudrait qu’ils (le public, ndlr) nous captent parce que là, c’est encore autre chose, on y travaille, mais ça va prendre du temps. »

L’idée d’avoir créé un merch, c’est pour créer du lead ou y a-t-il une ambition de designer derrière ?

Dadi : « Un peu des deux, il y a une démarche business, mais à ce moment-là, on l'a fait dans le but de remercier notre public avec notre projet. C’est un truc qu’on a dans la tête depuis longtemps, il faut juste que les choses se mettent en place. »

Est-ce que c’est facile d’évoluer dans la musique depuis Namur en termes d’expansion ?

NARKO T : « Non !!  (Rires Ndlr)»

Et vous enregistrez où du coup ?

Many : « À Namur ! » 

Y a des studios là-bas ? (Rires, ndlr)

LeG-Ni : « Ouais, c’est pas la campagne non plus ! (Rires ndlr) »

Dadi : « On a enregistré chez nous, à Bruxelles, à Paris, ... Mais là, on est en train de faire monter un peu notre ville. On a compris que de là où on vient, c’est difficile de percer alors qu’il y a des talents chez nous, que ce soit dans le foot ou dans le rap. Malheureusement, peu de personnes sont là (à Namur, ndlr) pour montrer qu’ils ont réussi un truc, tu vois ? Personne pour venir nous aider au bon moment. C’est un peu comme ce que je te disais, chez nous il existe plein de gens qui se cachent pour rapper parce que c’est tout nouveau. Tu ne peux pas vraiment venir en étant à l’aise, il n'y a pas de chemin tout tracé, tu vois ce que je veux dire ? C’est pour ça qu’on va essayer de la faire monter (Namur, ndlr). »

Many : « On veut marquer notre territoire ! »

LeG-Ni : « Ouais, Il n’y a pas d’aide, on doit nous-même aller chercher les choses. »

Dadi : « Il n’y a pas d‘aide et pas de contact, tout est un peu nouveau ! »

Justement, cela ne vous donne pas envie de faire des demandes ou de créer votre propre structure ?

Dadi : « Comme je te l’ai dit, on voit loin, on prend juste le temps de tout énumérer. »

LeG-Ni : « Ouais de se mettre en place, mais ça prend du temps, on veut développer cette ville avant toute chose, on veut laisser une marque ! » 

À Lezarts Urbains on aime partager des anecdotes, en avez-vous une en particulier à nous raconter ?

Dadi : « Une anecdote ? (Rires, ndlr) J’ai l’impression qu’il y en a tous les jours ! »

LeG-Ni : « Ouais il y en a quatre fois par jours… (Rires, ndlr) »

Dadi : « Les galères qu’on a eues quand on est allé à Paris ! (Rires ndlr) »

LeG-Ni : « On décide de partir à Paris pour le tournage d’un clip. Et on n'a pas pris la voiture, on s’est dit venez, on prend le train, on ne se casse pas la tête ! C’tout, on prend le train … Et bref, on arrive sur place, et là, on apprend qu’il y a une grève de malade, pas de bus. 1h30 qu’on tourne en rond… »

Dadi : « La personne qui était censé nous récupérer nous a abandonné, elle n’est pas venue finalement ! »

LeG-Ni : « On était tous transpirants, il faisait trop chaud ! »

Many :  « Après, le séjour s’est plutôt bien passé malgré qu’on ait galéré à trouver un logement. Du coup, le lendemain, on retourne chez nous. »

LeG-Ni : « Ah ouais… La galère pour retourner aussi quand on devait prendre le train du retour ! (Rires, ndlr) »

Dadi : « Ah ouais… (Rires, ndlr) On reprend le train du retour. Bref, on était tout le temps à la bourre, on arrive à la gare, on ne sait pas quel quai prendre. Un tel nous envoie à un endroit, mais ce n'était pas le bon. Puis finalement, on trouve la voie… Le train allait bientôt partir et là, des policiers de France nous arrêtent. Le pire, c’est qu’ils voient bien qu’on a des bagages et qu’on court pour prendre le train, mais eux veulent nous contrôler. »

Many, leG-Ni, Dadi et Nisrine Brinicha (stagiaire en communication)

Devant la gare ?

Dadi : « Non devant notre train. On était là « Frère fais c’que tu veux mais on ne peut pas être contrôlé maintenant, y a le train ! »  Mais il voulait rien entendre ! (Rires, ndlr) Le train part, nous on s’fâche un peu, le policier aussi, bref on ne peut rien faire. Pourquoi nous ? il y a 45 000 personnes dans la gare, pourquoi nous ? Bref c’est pas grave, on a trouvé une solution, on a repris un train et on est arrivé sur Bruxelles. »

Et finalement, le clip a pu être réalisé ?  (Rires, ndlr)

Many : « Ouais, mais avec beaucoup de galères ! Même le frérot au montage là, il n'a pas été très sympa, le frérot qui a clippé, il a eu des galères…  (Rires ndlr) »

C’était quel clip ?

Dadi : « Ah ça, on ne peut pas dire… Ce frérot, il nous a manqué de respect ! T’es un chien toi, mais c’est pas grave ! (Rires ndlr) ».

 

Propos receuillis par Nisrine Brinicha.

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