SELASI DOGBATSE

mardi 29 mars 2022

Selasi Dogbatse est une danseuse et chorégraphe bruxelloise. Sa carrière l’a emmenée à voyager dans le monde entier, notamment à Los Angeles où elle a dansé aux côtés d’artistes tels que Rihanna, Missy Elliot, Cardi B, Meek Mill, LL Cool J, etc. Danseuse multidisciplinaire, Selasi pratique le Hip Hop, la Dancehall et la House. Membre du Paradox-sal Crew, elle a travaillé pour The Voice pendant neuf ans, aux BET Awards Experience en 2019, et se concentre aujourd’hui sur ses propres créations. La dernière en date, A PIECE OF ME, sera présentée au Festival Lezarts Urbains le 2 avril 2022. Elle soulève le thème de la remise en question, de la féminité et des réalités de l’industrie de la danse. Selasi raconte les étapes de son histoire. Illustrant différentes situations inextricables, l’artiste cherche à nous encourager à sortir de notre zone de confort et à ne jamais baisser les bras.

INTERVIEW

Tu danses depuis l’âge de quatre ans, comment es-tu passée du classique au Hip Hop ?

« J’ai commencé par la danse classique, j’ai fait un cycle de cinq ans. J’avais un prof super sévère qui m’a un peu traumatisée (rires, ndlr), c’était vraiment le cliché du prof de danse classique... Puis je suis allée à la Nouvelle École à Saint Josse. Là j’avais des cours de danse hip hop, j’ai tout de suite kiffé. Plus tard j’ai fait de la danse contemporaine, classique et modern-jazz pendant 3 ans à l’Académie des Beaux-Arts. Et franchement c’était très dur pour moi, parce que je n’aimais pas en fait. Je n’avais pas d’affinités avec les élèves, ma prof elle me détestait. Elle me faisait la misère parce que justement j’étais dans le milieu hip hop, j’arrivais en baggy avec mes écouteurs, elle n’aimait pas cette attitude, pour elle c’était le cliché… Après, la danse classique reste la base de la danse, c’est la base de la connaissance de son propre corps en fait. Le maintien, la discipline, ce sont des choses qu’on ne nous enseigne pas forcément dans d’autres styles. Mais il y avait ce côté tellement dur physiquement, tu sais, de se tenir droit tout le temps, d’avoir les pieds tendus, d’avoir un niveau de souplesse et tout ça. Physiquement c’est tellement compliqué que t’oublies la passion au final. Je ne comprenais pas pourquoi je devais souffrir tellement. Moi je ne vois pas la danse comme ça, pour moi c’est un kif de A à Z. Donc ouais j’me demandais, elle est où la passion ? J’avais un peu ce problème-là, avec ma prof on s’engueulait tout le temps ! (Rires, ndlr) » À côté de ça je prenais des cours à la Fred Academy ; là j’avais vraiment tous les cours, tous les styles (jazz-rock, house dance, breakdance, etc.). J’ai fait ça jusqu’à mes 15 ans, puis j’ai très vite commencé à rentrer dans le milieu, je suis rentrée dans un groupe, FINAL FX, avec lequel on a fait des battles. On est partis à l’étranger, on a fait des compétitions, etc. C’est là que je me suis le plus formée, c’est là que j’ai le plus touché à tout et on était vraiment en plein dans la culture hip hop. On s’entrainait à la gare, dans la street, c’était vraiment le concept hip hop à cent pour cent. Du coup en ce qui concerne les Beaux-Arts, j’ai essayé. J’me suis accrochée, parce que ma mère me mettait la pression, forcément. Jusqu’au jour où j’ai dit non, c’est vraiment pas pour moi !  Et puis je me rendais compte qu’à côté je commençais à avoir plein de contacts, et on m’appelait mais je pouvais pas parce que j’avais école, entrainement et tout. Au final je me suis rendue compte que j’étais en train de rater des trucs alors que c’était ça que je voulais faire. J’ai fait le choix de m’y mettre à fond, j’me suis dit Ok, je prends le risque. Et j’avais peur ein, je ne savais pas si j’allais pouvoir assumer un loyer, des trucs comme ça. Mais de fil en aiguille j’ai eu des opportunités. A partir du moment où j’ai décidé de le faire à fond, ben c’est là qu’on n’a pas arrêté de m’appeler : Émission de télé, trois mois, t’es payée autant. Ça s’enchainait en fait, donc c’était le meilleur choix à faire. » 

Danser t’a emmenée aux quatre coins du monde, tu nous parles un peu de tes voyages ?

« Entre mes 22 et mes 26 ans je suis beaucoup partie en Italie, ils ont un camp qui s’appelle HYPER WEEK, où il y a pas mal de profs étrangers : des français, des américains, etc. Du coup j’ai eu la chance de donner cours là-bas trois ou quatre années de suite. C’était chaque année, deux semaines intensives, on est là du matin au soir, on donne les cours, on prend les cours, après le soir y a des soirées, y a des battles, ça n’arrête pas. Et puis il y a les échanges, y a ce côté vraiment street parce que c’est les danses urbaines, c’est social quoi. Il y avait tous les styles : hip hop, house, waacking, krump, des chorégraphies à l’américaine, vraiment de tout. C’est aussi un bon entraînement en tant que prof, et j’ai eu l’occasion de prendre des cours aussi donc c’était vraiment super ! Grâce à ces camps j’ai aussi rencontré des gens qui m’ont donné l’opportunité d’enseigner en Israël, j’ai donné cours à Tel Aviv, à Jérusalem, c’était une expérience incroyable. J’ai beaucoup voyagé grâce à ça. Le reste de l’année je travaillais à la télé, j’ai travaillé en Flandre pour Vtm, Een etc, on faisait des émissions où ils invitaient des stars flamandes et on devait faire des chorégraphies avec eux, recréer des tableaux connus comme Michael Jackson, des choses typiquement commerciales. J’ai fait ça pendant pas mal d’années. Je travaillais aussi avec Milk Inc (duo électro flamand) qui faisaient des tournées et des dates non-stop, genre dix dates au Sport Paleis, du coup c’était des mois de répétition. Ça aussi c’était chaque année, j’ai fait ça quatre années de suite. Il y a eu Hadise aussi, une chanteuse turque avec qui on a fait toute la Turquie. J’ai également travaillé à Paris pour Xfactor avec Zack Reece, et énormément à Londres aussi sur des tournées pour des artistes comme Rita Ora, Will Iam, Ellie Goulding ; aussi pour des émissions de télé comme MTV Europe Music Award, BBC awards ou encore Mobo Awards. On était tout le temps en tournée, pendant des années. En fait, tout ce qu’il y avait moyen de faire on disait oui et c’était parti ! Et puis en 2015 je suis partie aux États-Unis pendant six ans, je faisais des allers-retours entre Bruxelles et Los Angeles. » 

Peux-tu nous parler un peu de ta pièce, A Piece Of Me ?

« Pour l’instant c’est toujours un work in progress. Je l’interprète avec Elya Lufwa, Idriss Tolo, Michée André, Inès Dumbi et Mahdy Coulibaly. C’est une pièce inspirée de danses Hip Hop avec plusieurs influences comme la Dancehall ou la House dance ; une forme hybride en fait, bien propre à mon style.  Je reprends des étapes que j’ai vécues dans ma vie, certaines parties de mon histoire que j’ai envie d’exprimer par le mouvement. Ce sont des situations très simples, que tout être humain peut vivre à tout moment. Chacun peut l’interpréter à sa manière, mais en gros l’idée c’est de se dire : Ok, on est dans une situation dans laquelle on ne veut pas être et on veut en sortir mais on n’y arrive pas. On se sent oppressé, on a l’impression qu’on va suffoquer. Comment on fait pour sortir de là ? Qu’est-ce qu’on se dit ? Et quelle est la solution au final ? Est-ce que je me résigne et je vis comme ça ? Ou bien est-ce que je prends mon courage à deux mains et j’me dis bon, je sors de ma zone de confort, je peux y arriver, avoir une meilleure vie où je mérite mieux… Le spectacle a plusieurs thèmes mais peu importe la situation, l’idée c’est de sortir de là et de se remettre en question. Chaque personne peut se retrouver et se dire : En fait oui, je me retrouve dedans d’une certaine manière. Il y a mon rapport avec l’Afrique aussi, puisque je suis moitié Ghanéenne. Mes racines africaines, mon histoire avec mon père, avec ma mère...  Comment, en tant que métisse, on se retrouve dans une société avec des parents qui ne sont pas comme nous ? Parce que je suis née d’une mère blanche et d’un père noir. Mais ils ne sont pas métisses. Je n’ai pas d’exemple pour grandir, tu vois ? Moi je me sens autant Belge qu’Africaine, donc c’est un sujet qui m’intéresse énormément, qui me concerne et concerne tous les gens qui sont mixtes, et d’autres (sourit, ndlr). On est une génération qui fait partie du changement, mais c’est encore très présent. En tout cas moi en Belgique j’ai travaillé énormément dans des créneaux où j’étais la seule métisse. C’était que des gens plus âgés, et des blancs quoi. Et c’est aussi quelque chose, … y a rien de mal ou quoi mais c’est un fait. Comment on se sent par rapport à ça ? Est-ce qu’on en parle ? On n’en parle pas au fait. On n’en parle pas du tout. Et enfin, j’aborde ma féminité dans cette industrie… Parce que c’est vrai que dans mon parcours, j’ai dû faire face à des contrainte et des choix pas toujours évidents… C’est une triste réalité, mais souvent ce qui vend c’est la beauté et la sensualité féminine plus que le talent. » 

C’est quelque chose qui t’a déjà fermé des portes ? 

« Complètement. Non-stop. Surtout quand j’étais à l’étranger, j’ai eu pas mal de situations où j’ai dû vraiment me dire : Mais c’est pas moi, je ne suis pas comme ça, je ne vais pas me vendre, ce n’est pas comme ça que je veux être représentée. Et je pense que c’est intéressant aussi de l’exprimer, en tout cas comment moi je l’ai vécu. Puis t’as aussi les réseaux sociaux, moi on m’a déjà dit, Selasi, tu ne sors pas assez en soirée, c’est pour ça que tu ne bookes pas de job, des réflexions où tu te dis mais c’est pas possible ! Où que c’est parce que je m’habille trop négligé, parce que j’avais un t-shirt large. Et on te dit que c’est pour ça que t’as pas eu le taf. Bon ok. Ben en fait moi j’suis comme ça donc euh… Ce sont des sujets comme ça que j’ai envie d’aborder dans le spectacle, et tout ça ce sont des choses que j’ai vécues, donc c’est selon moi, et à travers aussi l’histoire des danseurs qui m’accompagnent. Et puis ben, carte blanche au public de l’interpréter à sa manière, de voir ce que lui ressent par rapport à son histoire aussi. »  

Tu peux nous dire quelques mots sur ton groupe Paradox-sal Crew ?   

« C’est un crew 100% féminin qui regroupe plusieurs styles de danses sur un seul langage qui est la House. J’ai eu la chance de les rencontrer à Los Angeles en 2017, tout de suite ça a cliqué. J’ai rencontré Odile, Allauné et Baba (Babson, ndlr). Et en fait quand je les ai rencontrés ça m’a fait du bien de retrouver l’énergie européenne, tu vois ? C’était des français, c’était la même mentalité. Puis même dans la danse, je me perdais un peu parce que là-bas, surtout à Hollywood, t’as moins ce côté on kiffe, on échange, on danse ; c’est beaucoup plus chorégraphié pour la télé, pour les artistes, chose que j’adore aussi et que je respecte. Mais à un moment donné tu perds un peu d’où tu viens et ce que tu aimes vraiment dans ce que tu fais. Du coup ça m’a reconnecté à mes racines européennes, à mon art, à la street quoi ! Donc ça c’était trop bien, ça m’a trop fait du bien ! Et donc voilà, Baba m’a demandé de faire un spectacle avec les filles, c’était au festival International Hip Hop Dance Fest à San Francisco. J’ai dû apprendre le spectacle à l’arrache, mais ça s’est super bien passé donc suite à ça je suis rentrée dans le groupe. On a dansé pour plusieurs événements, notamment au battle All4House à Los Angeles, c’est un événement organisé par Baba du coup je l'ai aussi aidé à organiser sur place. On l’a refait l’année d’après, puis on a fait plein de petits shows à Los Angeles. On l’a fait à New-York aussi, en Afrique. Et puis là il y a encore des dates jusqu’en 2023. Après c’est assez compliqué parce qu’on est international, y a des filles à Londres, d’autres en Australie, moi j’étais aux Etats-Unis. Donc parfois on se regroupe mais ce n’est pas souvent non plus parce qu’on est seize au total. On vit des trucs de dingue, et puis on fait plein de trucs différends et c’est ça qui est cool, puis c’est plein de personnalités différentes, des styles de danse différents. C’est qu’enrichissant au fait. C’est vraiment ça. »  

Tu te considères comme une danseuse pluridisciplinaire ou une danseuse Hip Hop ?

« En général je dis que je suis danseuse Hip Hop, et que je fais aussi de la dancehall et de la House, mais je vais commencer à réfléchir et peut-être dire pluridisciplinaire, ce n’est pas bête. C’est difficile de mettre des termes parfois. Souvent les gens ont besoin d’étiquettes pour comprendre. Et comme ce sont des cultures qui évoluent, on est en 2021 ça n’a plus rien à voir avec y a dix ans, vingt ans, etc. Pour moi tu ne peux pas étiqueter une culture et la mettre dans une boite. C’est toujours un dialogue, c’est toujours un débat. Mais il y a beaucoup de gens dans la danse qui sont très puristes, moi je respecte, sauf que des fois ça crée des conflits, parce qu’on ne voit pas les choses de la même manière, parce que pour eux il faut respecter les bases, il faut rester dans le pur et dur, mais en même temps je pense que ça fait partie de l’évolution. Il ne faut pas oublier d’où on vient, jamais, mais ce n’est pas parce qu’on évolue qu’on oublie. Moi quand j’ai commencé la danse, à prendre vraiment des cours et à me former concrètement, je faisais beaucoup de styles différents. Mon but c’était vraiment de connaitre les fondations, les bases, pour pouvoir le maitriser. C’est comme ça que j’apprenais. Avec le temps, en voyageant je me suis rendue compte qu’une fois que t’as toutes ces bases et que tu les maitrises, c’est bien de pouvoir en faire ton style. J’ai compris l’importance de se démarquer avec sa personnalité, sa manière de faire, tout en respectant les bases apprises. Par exemple Baba il disait toujours : Inspire-toi de tout le monde pour ne ressembler à personne. C’est un truc que je retiens parce que c’est vrai. C’est ça qui va marquer, c’est ça qui va faire de toi un artiste en fait. Après ma base ça reste le hip-hop car la culture m’a touché en premier. J’adore la dancehall aussi, les textures, ses influences, ça me parle et j’ai grandis avec cette musique. Et puis la House est dans mon corps car je sortais souvent et que je me suis entrainée avec de grands danseurs de House, et j’ai vite compris comment l’adapter dans mon style, ce qui apporte cette liberté. Ma technique House ne ressemblera jamais à une des filles de mon groupe par exemple, car Baba c’est pas ce qu’il voulait, son but c’est l’individualité au service de l’entité. Donc quand tu vas me voir danser tu vas reconnaitre certains styles, un hip-hop hybride une dancehall et une house qui n’est pas puriste mais tu vas dire bah ça c’est Selasi. Même dans mes cours de danse hip hop je l’annonce, ce n’est pas hip hop pur et dur, c’est hip hop selon moi aujourd’hui, à ma façon. » 

Tu t’es déjà essayée au Krump ? 

« Le krump... J’ai appris les bases aussi, quand j’étais plus jeune. Y a aussi une vague à un moment avec le film Rise. Si tu ne l’as pas vu faut vraiment que tu le voies, c’est vraiment légendaire ! C’est un film documentaire sur la culture du krump. Ce film a fait un gros hit à l’époque je me souviens. Et en fait j’ai eu de la chance quand j’étais aux States parce qu’il y a beaucoup de krumpers là-bas, vu que ça vient de là-bas, de Los Angeles principalement. Et j’ai eu la chance de m’entrainer avec eux, d’aller aux sessions sur les parkings, genre le truc de dingue. Donc j’y ai touché mais je trouve que la culture est tellement riche que je ne me permettrais pas d’utiliser cette danse. C’est un choix, tout simplement, mais j’adore ! » 

Tu as dansé dans le monde entier, aux côtés de véritables superstars, puis tu reviens en Belgique. Tu nous expliques un peu ?

« Ben y a eu le Covid déjà, ma famille et tout ça. Et puis j’ai été bloquée parce que les frontières étaient fermées. Mais du coup c’était bien parce que j’étais là avec ma famille et tout, donc c’était quand même nécessaire. En fait, ça m’a permis de mettre l’essentiel sur des choses que je ne mettais pas avant. Parce que tu vois, quand t’es dans la danse tu ne penses qu’à faire de l’argent, à travailler, travailler, tu vois ? Et quand y a eu le Covid je me suis dit : Les choses que j’ai toujours voulu faire, que je ne mettais pas en priorité, ben là je n’ai pas eu le choix en fait que de les mettre en priorité. Du coup ça m’a fait du bien, parce que c’était nécessaire en fait. Et maintenant je vois les choses complétement différemment. Maintenant mes priorités ne sont plus les mêmes. Ça c’est sûr. » 

Quelles sont tes priorités maintenant ? 

« Ma santé, ma famille, me sentir bien avant tout. Alors qu’avant c’était : J’dois bosser avec untel, je dois booker ça, je dois faire autant d’argent cette année. C’est toujours là mais ça passe après quoi. Je pense que je suis arrivée à un point de ma carrière où justement j’ai fait pas mal de choses, je ne vais pas dire tout mais c’est presque ça, qu’est-ce que je n’ai pas encore fait ? Moi je suis quelqu’un, j’aime trop être dans le challenge. Chaque fois je me donne un goal, puis quand je l’atteins j’en cherche un autre, et ainsi de suite. Et c’est vrai que quand j’étais aux States, à un moment donné j’aimais bien danser pour les stars et tout, la gloire, le succès c’est enrichissant, c’est intéressant. Moi j’ai regardé les clips à la télé et je voulais être dedans. Donc après me dire que je suis à côté de certaines stars que je regardais à la télé quand j’avais dix ans, cette sensation elle est cool à vivre. Mais, à un moment donné, artistiquement parlant j’avais besoin d’exprimer mon art et d’être moi l’artiste en fait, de ne pas toujours être derrière les artistes. Là je viens avec mon spectacle quoi. Les gens ils payent leur ticket pour me voir moi (Rires, ndlr). J’trouve ça trop ouf aussi, et c’est quelque chose que j’ai expérimenté mais très peu. Mais surtout à un moment donné quand t’as fait plein de choses, la question c’est : Qu’est-ce que je peux encore faire qui ait une cause ou qui ait un sens, comment je peux changer les choses avec mon art ? J’avais ces questions-là qui me revenaient, je me disais : Bon, pendant six ans j’ai voyagé entre la Belgique et les States, j’ai fait tout ça, mais si je meurs demain les gens ils vont se dire : Ok t’as dansé mais t’as fait quoi ? (Rires, ndlr) Je me dis non, j’peux pas, je dois aussi apporter ma touche dans le milieu, dans la communauté et essayer de faire quelque chose qui ait plus d’impact, plus de sens. » 

Quel conseil donnerais-tu à un danseur qui veut mener la même carrière que toi ? 

« Il faut vraiment d’abord se poser la question si c’est vraiment ce que tu veux faire. Parce que danser par passion et en faire son métier ce n’est vraiment pas la même chose. À partir du moment où tu décides d’en faire ton gagne-pain ça change. La passion elle est là mais elle n’est plus la même. Tu peux danser avec passion toute ta vie sans que ce soit ton métier. Mais quand c’est ton métier ça engage des enjeux, des choix, ce n’est pas facile, il faut être persévérant, faut jamais lâcher l’affaire. Et honnêtement si je suis là aujourd’hui, c’est aussi grâce à la passion ça y a rien à faire. Si je n’aimais pas autant ce que je fais je n’aurais jamais pu faire tout ça, c’est ça qui m’a donné la paix, la force d’aller jusqu’au bout, c’est ça qui a fait que je n’abandonne pas, j’peux pas abandonner. Et j’espère que mon parcours permette d’inspirer des jeunes ou des gens qui hésitent ou qui ne savent pas comment, de leur montrer que c’est possible. » 

Et quels sont les sacrifices de la vie d’un danseur ? 

« Je pense que c’est personnel, ça dépend de chacun. Moi je ne suis pas prête à tout pour y arriver, y a des valeurs auxquelles je tiens. Donc je ne vais pas vendre mon âme au diable comme on dit (rires, ndlr) Alors qu’au final le succès c’est quoi ? On me dit souvent ouais t’as réussi ! Mais c’est quoi la réussite ? C’est être aux States à Hollywood et prendre un selfie ? Ce n’est pas ça la réussite. Ça va plus loin, il faut se poser les bonnes questions. Maintenant c’est beaucoup de sacrifices dans le sens où il faut être prêt à mettre ça en avant du reste, mettre la danse en priorité. Parfois ça veut dire rater un anniversaire, rater un mariage, rater des moments familiaux. C’est ce genre de sacrifices, mais encore une fois ce sont des choix. Peut-être que tu peux y arriver sans faire ces sacrifices-là mais que ça prendra plus de temps. Moi j’ai fait beaucoup de sacrifices, mais c’est ce que je voulais. Rater un enterrement ou des événements de la vie qui n’arrivent qu’une fois, pour moi à ce stade c’était aussi important de ne pas manquer une opportunité. C’est relatif en fait. Ça dépend d’où tu en es dans ta vie à ce moment-là et quelles sont tes priorités à ce moment-là. » 

C’est compris par l’entourage ? Ou c’est difficile ? 

« Pas toujours. Ça dépend en fait. Moi ma mère au début elle ne comprenait pas, jusqu’à ce qu’elle me voie à la télé. Quand elle m’a vue à la télé elle m’a dit : C’est bon ma fille tu fais ce que tu veux ! (Rires, ndlr) Au début ce n’est pas toujours compris parce que tout le monde ne comprend pas c’est quoi être passionné, tu vois ? Y a des gens qui n’ont pas de passion. C’est triste mais si tu n’as pas de passion tu vas avoir du mal à comprendre. Mais à un moment donné si on voit les résultats, que la personne est épanouie et qu’elle s’en sort tu ne peux qu’être consentant et dire : Ok, je respecte. C’est ça aussi, le sacrifice de prouver que c’est possible. » 

Quels sont tes plans pour la suite ? 

« Travailler sur mon spectacle. Après je ne suis jamais focus que sur un truc mais en tout cas ça fait partie des priorités.  J’ai encore quelques dates avec Paradox-sal, parce qu’en plus on prépare les dix ans du crew. Je pense que je vais sûrement encore donner des cours. Je travaille aussi avec certains chanteurs, dont ma sœur. Après je travaille aussi avec d’autres chanteurs qui sont dans la pop, avec qui on travaille sur le mouvement à travers du coaching. Je les aide pour leur prestance sur scène, leur gestuelle, leur expression scénique, etc. Pour qu’ils soient à l’aise avec leur corps, qu’ils sachent tenir leur micro. On fait parfois des petites chorés. En tout j’ai trois ou quatre artistes. Le but c’est de donner un concert avec chorés dans la foulée des sorties d’albums. Donc l’année prochaine va falloir mettre tout ça en place. Je ne sais même pas comment je vais faire en fait (rires, ndlr). Mais ça va aller ! Je trouverai des solutions, comme d’hab ! (Sourires, ndlr). » 

Propos recueillis par Melissa Farah

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